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L’homme s’en tire avec une jambe cassée. Après lui avoir confectionné une gouttière, nous le hissons entre deux caisses, attaché comme un vulgaire colis, couvert d’une cape, geignant comme une fillette. Not1s repartons. A chaque cahot, maintenant, l’homme hurle comme un damné. Parfois une bête furtive s’éblouit aux phares, s’affole et disparaît. Les heures sont longues à passer. Soudain, nouvel arrêt, un peu brusque celui-là, puisque le camion réussit un superbe tête-à-queue. Une partie de la cargaison dégringole, nous avec, ainsi que le blessé attaché entre ses caisses, qui a perdu connaissance.

Nous sommes tous barbol1illés d’une mélasse gluante et douce qui n’est autre que celle qui nous a fait déraper et qui forme une couche d’au moins cinquante centimètres. Ce sont des mangues tombées, avec la pluie, des arbres qui bordent la piste. On y patauge jusqu’aux genoux. On s’en met plein les dents, car la faim nous tenaille. C’est filandreux, avec une odeur de cire et vite écœurant. Une ridelle a été cassée. Tant bien que mal, Pablo essaie de réparer avec du fil de fer, mais de toute manière, il est trop tard pour que nous puissions penser à repartir.

Nous installons le camp à tâtons, chacun creusant sa place dans l’épaisse végétation, à coups de sabre d’abatis. J’avise dans l’obscurité deux arbres suffisamment rapprochés pour que je puisse y tendre mon hamac. Ils sont solides, quoique dépourvus de feuilles. J’installe la moustiquaire, le hamac, défais mes bottes, allume une cigarette, et m’affale avec un soupir voluptueux pour me retrouver aussitôt par terre, les côtes endolories, empêtré dans la