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gronde, les loups se sont tus. Parfois, on entend un cri rauque, inhumain.

— Pablo, quand partons-nous ?

— Bientôt, Français…

Serait-ce une plaisanterie ?

Non, miracle, nous allons partir, nous partons. Dès mon réveil, à l’aube, j’entendais bien Pablo trifouiller le moteur avec un acharnement remarquable et lui donner de brefs accès de toux. Maintenant, laqué de cambouis, il m’annonce joyeusement :

— Nous partons, vite, dépêche-toi !…

Les hommes lèvent le camp, rassemblent le matériel. Quelques tisons noircis marquent à peine notre passage. Demain, la forêt aura tout effacé, déjà pleine des signes avant-coureurs de sa renaissance, avec les branches taillées et saignantes de sève cicatrisante, les lianes enlacées dans une étreinte reptilienne tissent un filet tendu au ras du sol qui fait trébucher et s’étaler de tout son long dans l’humus nauséabond.

La pluie ne cesse pas. Depuis l’aube, elle tombe à grandes rafales régulières. Le vent souffle en ouragan, bien haut par-dessus nos têtes. Nous avons étendu des bâches huilées et les ponchos de laine brute. Il fait froid. Le camion se faufile dans un étroit tunnel et sursautant, patinant, geignant, se couvre de la boue des geysers que soulèvent ses pneus.

A chaque instant, il faut stopper, dégager les roues de leur gaine poisseuse, les enchaîner, combler les ornières de fagots, de bois vert ou de pierres plates, construire des passerelles emportées par les courant tumultueux nés de