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force pour se maintenir. Un groin baveux, armé de défenses courtes, fouine rageusement la terre, cherche à saisir les branches pour les briser… Presque à bout portant, Pablo décharge son revolver entre les deux yeux de la bête qui s’écroule, foudroyée, puis il continue à fouiller la tanière avec son rameau… C’est le silence, je lâche les piquets, rejoins Pablo, l’aide à tirer l’animal (un superbe « caetetu » d’au moins cent cinquante livres) pour le ficeler sur une branche.

Un grognement nous fait sursauter. Je n’ai que le temps de bondir sur les racines et de grimper au plus haut de l’enchevêtrement. Une masse noire fonce sur Pablo qui tombe habilement et se roule pour échapper à l’attaque d’un second porc sauvage sorti de je ne sais où. Furieusement, par deux fois, la bête laboure la terre de son boutoir, à quelques centimètres de la hanche de Pablo qui, abrité par le tronc d’un babassus, essaie de se relever.

Installé hors d’atteinte de l’animal, je tire deux coups, le blesse, il trébuche. Pablo fait feu à son tour, l’achève. La scène n’a pas duré vingt secondes, le chauffeur est assez pâle, rageur…

— J’avais oublié la femelle, murmure-t-il piteux.

Nous reprenons la coulée, nous frayant un passage à coups de sabre d’abatis, le dos meurtri par la lourde perche qui balance les deux « caetetus » solidement ficelés par les pattes, au rythme saccadé et chancelant de notre marche. C’est l’heure indécise mais brève du crépuscule tropical ; les profondeurs glauques de la forêt me donnent l’impression de naviguer dans un aquarium. Des singes