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sur le visage, surveillaient des troupeaux de zébus qui paissaient une herbe dure. Quelques cases, toutes semblables dans leur uniforme de crasse et de misère, de minuscules carrés de manioc ou d’ananas, parfois, au bord de la piste, une paillote croulante, des gosses qui traînent dans les flasques, une femme enceinte, tremblante de fièvre, jetant un regard éperdu et furtif au camion qui passe.

Franchies ces terres, ce fut à nouveau le fouillis hostile ; le camion qui retrouve la piste un instant perdue, encastrée entre deux murailles abruptes, s’y engage et, pour la conserver, lutte avec des cahots énormes de bulldozer et puis soudain, l’arrêt brutal, la panne.

Que pouvons-nous faire maintenant, sinon espérer un miracle de là part de Pablo qui passe des heures à farfouiller dans le moteur rebelle ; ou attendre l’arrivée d’un secours… lequel ? d’où ?

Il fait chaud, quarante-cinq degrés à l’ombre, je crois. Une température de bouilloire avec tous les quarts d’heure des trombes d’eaux qui transforment la forêt en marécage malsain. Le moindre mouvement de mon corps nu fait aussitôt ruisseler une sueur forte qui sent le cadavre. Inerte, les yeux vagues sur le plafond crevé de branches monstrueuses, j’essaie d’échapper à la fournaise pour me souvenir de l’agréable fraicheur de notre petit café à Rio de Janeiro. Il est si loin le petit café, tellement agréable, maintenant que j’en rêve et que je ne m’y morfonds plus…

Les hommes ont allumé un grand feu pour mettre en fuite les moustiques vorace$ qui butent en aveugle dans la gaze des moustiquaires et cherchent tenacement la