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cuir parce que tracassé par une crise de malaria. Il grelottait continuellement et serait mort en chemin s’il lui avait fallu subir les secousses infligées à ceux qui s’accrochaient à la cargaison. Il ne différait en rien des autres hommes mais était affligé d’un goître monstrueux qui cascadait sur sa poitrine et le forçait à prendre des airs bizarres pour regarder de côté.

Tu vois le goitre de ce vieux, me disait Pablo d’un ton doctoral… si tu ne mets pas de l’iode dans ton eau, tu auras le même dans six mois.

Pablo avait raison. A chaque étape du voyage, j’eus l’occasion d’admirer de splendides goitres, tant chez les hommes que chez les femmes.

— Quand partons-nous, Pablo ?

Encore un geste vague. Décidément, ce n’est pas pour aujourd’hui. Je ronge mon frein, impatient d’action, décidé à en finir au plus vite avec cette piste interminable qui, depuis Goyana, ne fait que se répéter.

Une seule fois nous roulâmes dans un paysage aux perspectives éclaircies. La piste se coulait dans une minuscule vallée encadrée de collines noircies par les incendies de défrichage. Quelques « fazendas » mettaient une note humaine dans cette solitude. Des pauvres hères travaillaient dans les champs de cannes à sucre, hérissés de mousses sauvages ; d’autres, demi-nus, conduisaient d’antiques attelages aux roues énormes de bois plein qui creusaient des ornières profondes, au pas lent d’une douzaine de zébus maigres et noirs. Des gauchos à cheval, enroulés dans leurs ponchos comme des berbères dans leurs burnous, la carabine en travers de la selle, un large sombrero