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noire ou bistrée souvent teintée par la malaria de jaune sale. Ils étaient sanglés de ceintures-cartouchières soigneusement entretenues, luisantes de balles, lourdes du colt de fort calibre et de bonne marque, indispensable pour appliquer ou imposer des règles de vie en commun et qui, chez ces hommes rudes, est le symbole de leur indépendance.

Au bivouac du soir, je les voyais graisser leurs armes, racler la boue de leurs bottes, toujours silencieux avec des mouvements lents ; noirs ou mulâtres, répondant à des prénoms compliqués, n’avouant aucune profession rentable, avec pour tout bagage un matériel rudimentaire de prospection. Si j’essayais d’approfondir les raisons de leur départ de Goyana, Pablo me racontait aussitôt (car il les connaissait bien) des histoires de meurtres ou de vol et je me souvenais alors du délégué de police d’une petite ville de l’intérieur qui m’avoua un soir avec découragement :

— Sur dix hommes, quatre sont des hors la loi ; s’il fallait procéder à leur arrestation nos prisons ne suffiraient plus et d’ailleurs, à quoi bon… l’administration pénitentiaire menace faillite et il est préférable de les voir partir encore plus loin, même de les encourager au départ ; croyez-moi, c’est préférable pour le repos des honnêtes gens et nous avons ainsi une paix relative, car nos policiers ne s’aventurent jamais à les chercher là bas…

Dans la cabine du camion, à côté de Pablo, il y avait un petit vieux, trafiquant de peaux à Saô José de l’Araguaia qui s’était installé d’autorité sur les coussins de