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Assis sur un banc de marbre, recroquevillé sur moi-même dans une désespérante solitude, je fis un rapide examen de conscience et m’aperçus alors que j’avais la frousse. Envolée l’excitation préludant au départ, je me sentis livré au plus noir des destins, repassant en esprit les listes macabres de mes prédécesseurs et l’aventure récente d’un jeune explorateur brésilien[1] qui, après avoir participé à trois expéditions, vint mourir à Léopoldina, tué par la malaria.

L’impression ressentie à l’évocation de toutes ces histoires s’assimilait assez bien avec celle qui me clouait à la carlingue, avec mes compagnons d’armes, avant les sauts du régiment, lorsque, soldat parachutiste de deuxième classe, j’avais envie de plonger dans la fraîcheur grisante du vide et en même temps de rester rivé au fer de la carlingue.

— … le cœur qui manque, l’odeur de ferraille et d’électricité qui prend à la gorge, provoque cette contraction stomacale qui fait croire à un vomissement immédiat, la sueur froide qui coule du double casque, suit les ravines du visage, cerne les yeux, les pique, forme un lac à la fossette du menton pour couler ensuite goutte à goutte, comme un tuyau crevé, sur le parachute ventral, tout près de la poignée rouge de secours…

… L’adjudant qui hurle et se démène pour encourager ses hommes, l’avion qui tangue, la lumière rouge sur le petit cadran près de la porte d’éjection, la verte… la volonté de ne pas être lâche, de sauter, le piétinement de

  1. Hermano Ribeiro da Silva.