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tentes vaines, les refus polis, les sourires glacés ou ironiques, les poignées de main indifférentes, l’ennui que reflètent les yeux d’un visage qui semble pourtant marquer le plus vif intérêt à votre requête, l’envie folle de tout briser et réveiller certaines personnes de leur apathie.

A vrai dire, ma situation d’étranger ne favorisait en rien l’affaire qui se corsait par surcroît, à mon désavantage, de mon ignorance totale du portugais. Allez donc séduire les gens, en petit nègre, avec une mimique épuisante, un carnet et un crayon à la main pour dessiner ce que l’on ne peut exprimer !

Et ce n’était pas tout ; affligé d’une incurable timidité, quoique parfois saisi des élans téméraires propres aux gens de cette espèce, je devais encore m’affubler d’une paire de moustaches — fort heureusement, la nature me dota d’un abondant système pileux dès mon plus jeune âge — et d’une paire de lunettes, destinées à me vieillir, car souvent l’on ne me prenait guère au sérieux ; il est vrai que je n’étais même pas majeur — autre inconvénient primordial — puisque j’avais alors seulement dix-neuf ans.

C’était assez pour abattre un mulet, tout abandonner et me laisser à nouveau glisser dans une agréable bohème. Je m’obstinai.

Après tout, je ne risquais qu’un coup de pied au cul à force d’entêtement ou alors l’abdication par usure des gens qu’affrontaient mes tumultueuses requêtes. J’opinais pour la seconde solution qui aurait justifié cette fière devise « Le monde est aux audacieux », mais la qualité de journaliste dont je m’affublais comme représentant de l’agence de Presse, au lieu de faire sérieux, comme je l’es-