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volant les pages qui pouvaient servir de documents pour ses projets. Il vendait aussi des timbres de correspondance sur lesquels, grâce à un procédé connu de lui seul, il parvenait à effacer l’encre des cachets.

Alfred, un Américain en vadrouille, avec un goût prononcé pour les cravates à Pin-up-girl, les gins naturels, gueulant par-dessus les toits son amour de la démocratie et de l’exotisme, rêvant aux fabriques de crocodile en conserve qu’il voulait installer sur les fleuves du Matto Grosso.

Sanders, un apatride qui vendait des chocolats glacés dans une petite voiture jaune qu’il poussait sur les plages et se souciait fort peu de nos discussions, nous considérant même avec l’indulgence permise aux gens sensés lorsqu’ils ont affaire à des fous, et le raisonnable, à son sens, était de jeter des regards éperdus aux jeunes Brésiliennes qui venaient prendre leur café du soir aux tables voisines, ou alors de préparer les plans de l’exploitation en commun d’une ferme modèle dans l’état de Rio Grande do Sul.

Et enfin, Carlos, un bon gros joufflu, la lippe moqueuse, le crâne précocement dégarni, qui voyait les choses d’un œil plus placide et dont l’avis faisait poids dans nos conversations. Son expérience de la forêt était chose admise dans notre petite communauté. Au début des hostilités mondiales, il était parti dans l’État de Minas chercher la fortune dans les mines de cristal de roche dont la production, fort appréciée par les compagnies nord-américaines, édifia en quelques mois, pour certains propriétaires de terrains, des fortunes impressionnantes.