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que le Brésil réclamait des bras pour travailler sa terre, des techniciens pour monter des usines…

— Vous arrivez trop tard, disaient nos anciens installés à la tête d’importantes compagnies… en 1914… Oui, c’était bien ici… maintenant, les temps sont durs… (Ils avaient un grand geste, toujours le même)… et puis vous êtes trop nombreux.

Ils étaient trop, en effet, mais j’aimerais pouvoir vous présenter plus en détail tous ceux que j’ai connus et vous raconter comment ils finirent leur carrière d’aventuriers en herbe au point d’en vomir et de tout abandonner pour rentrer au bercail et croupir dans n’importe quelle sinécure … même administrative, puis répondre au grand Bernanos…

— Oui, nous nous sommes expatriés… nous sommes partis bien loin chercher un bonheur qui était à notre porte, parce qu’après tout, le pays le plus beau, le plus riche est celui qui nous vit naitre…

Chaque jour, Tad présidant aux débats, nous entretenions avec une insistance maladive le désir d’évasion qui, au départ d’Europe, nous animait, rejetons d’une époque qui n’enfanta que des bâtards dépourvus du cran et du dynamisme nécessaires à la réalisation de leurs projets, nous consolant les uns les autres de nos déboires successifs, tant et si bien que j’en arrive à croire que, si nous ne nous étions jamais rencontrés, aucun de nous n’aurait eu le cran ni le stimulant nécessaires pour réaliser en solitaire, dans la mesure de ses possibilités, ses rêves.

Il y avait d’abord Roger, un Belge terriblement joueur qui se désespérait de ne pas obtenir son visa permanent,