qui donnèrent une orientation à la grande fuite européenne d’après-guerre, à l’armée du désastre… comme je dois l’avouer, ils nous la donnèrent à nous tous qui avions adopté le genre « démobilisé écœuré ».
Combien de fois disaient ceux que nous voyions revenir des enfers de l’intérieur brésilien, ceux qui pouvaient revenir, avec leurs yeux enfin ouverts aux réalités :
— A mon retour à Paris… j’irai à « leur » bureau, « leur » casser la gueule… bande de salopards !…
Et ils pleuraient de rage, cherchant en vain sur les cartes les noms de ces villages où l’or sortait de terre et que situaient si bien les reporters anonymes…
Anonymes, évidemment, comme l’étaient d’ailleurs tous les autres articles à sensation qui rappelaient fâcheusement par leur tenue les journaux à chantage, à scandales … qui savaient si bien exploiter l’inlassable crédulité humaine.
Notre bande était une mixture de gens aux nationalités diverses, dont les éléments aussi dissemblables que la poire et le couteau, se rivaient les uns aux autres, par le besoin maladif qu’ils éprouvaient de se confier à une âme charitable pour bâtir des châteaux en Espagne, et, trouver les dix ou quinze cruseiros nécessaires à leur subsistance d’un jour. Un plat de riz parfois, des bananes plus souvent formaient l’ordinaire de ces émigrants de troisième qui passaient leurs nuits à la belle étoile et leurs journées à courir les bureaux de placement.
Des postiers, des coiffeurs, des chauffeurs, des gens aux professions très vagues qui se présentaient en masse, alors