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cain quelque peu romanesque). Ils enflammaient les imaginations juvéniles à grands coups de manchettes mirobolantes, et nous les découpions précieusement, avant notre départ, pour les coller sur un carnet où nous établissions des itinéraires fantastiques, couvrant les cartes de petits drapeaux avec des mines sérieuses de stratèges en chambre. Ce sont ces articles qui causèrent la mort de Jacques, quand, les poumons troués par la froidure des camps de concentration, voulant à tout prix gagner très vite l’argent nécessaire à son traitement, il tâta de la contrebande de parfums, puis partit à Cuyaba, dans l’État du Matto Grosso, à la recherche de cet « or » qui emplissait les colonnes de journaux.

Il revint déçu, miné par les fièvres… son mal empira, et il s’en fut agoniser dans un sanatorium des environs de Rio. Ce sont ces articles qui perdirent dans les forêts bon nombre de nos amis de rencontre qui venaient à notre petit café et nous regardaient avec un air de profond mépris.

— Comment, semblaient-ils dire, vous êtes encore là au lieu de partir là-bas ?

Ils désignaient un point très vague par-dessus les toits de la ville, et « là-bas », parce qu’ils l’avaient lu dans les journaux, c’était la richesse immédiate, certaine. Après ça, ils disparaissaient.

— Vous verrez, on reviendra riches…

Ils rêvaient de buildings, de femmes à fourrures et de voitures aérodynamiques. Ce sont ces manchettes, criminelles autant qu’inconscientes, enfantées par des journalistes en chambre, armés d’un ciseau et d’un pot de colle