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bavent. Tout à l’heure, il y avait des marécages, maintenant il y a de la rocaille.

La pluie qui d’ordinaire coupe nos après-midi n’est plus à espérer, car les morceaux de ciel que nous devinons au travers des feuillages, d’un bleu étincelant, présagent au contraire une sécheresse atroce.

Le soleil tape dur. Indifférent, on le sent peser sur la nuque comme une barre brûlante…

Nous allons comme des ombres, le corps dans une perpétuelle sueur avec une envie irraisonnée de boire. Je me sens dessécher, un peu comme une plante. L’air est malsain.

Les chevaux tiendront encore un jour ou deux, et après ?

Nous faisons une pause. Les hommes s’égaillent dans la nature à la recherche de flaques ou d’« arroyos ». Ils ne s’éloignent pas trop, cependant, car, à chaque instant, ils croient voir des silhouettes dans les taillis et se retournent au moindre bruit, la main prête à saisir le colt.

Je suis presque inconscient et je pense à des choses de chez nous. Comme j’aimerais à cet instant précis avoir à mes côtés un bon copain, n’importe lequel, pourvu qu’il parle français, que nous puissions échanger des souvenirs dans notre langue à nous.

Non… que des faces jaunes, barbues, indifférentes, des gens qui parlent pour eux-mêmes dans une langue odieuse…

Alors je crie « merde » parce que je n’en peux plus et que ça me soulage. C’est bête, mais ça vous prend d’un seul coup… excusez-moi.

Les hommes sont revenus, l’œil morne, ils sont assis en