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Le pis est le silence qui règne ici. La quasi-certitude que nous sommes épiés.

Je n’ai pas peur. Je ne peux plus avoir peur. Je suis seulement surexcité. Étrangement surexcité. C’est une frousse déguisée, mon cœur bat la chamade.

Tremble, carcasse !…

Je voudrais faire parler les arbres, la terre, le ciel, les herbes.

Vous tous qui avez vu, les vestiges qui traînent ne sont pas encore assez éloquents.

Je pense que les derniers instants de Pimentel ont été vus par le peuple innombrable et minuscule de la jungle.

Son dernier regard s’est peut-être porté vers cet arbre foudroyé un jour d’orage et qui brandit sa silhouette de cauchemar vers un ciel très pur.

Sur les lieux du massacre, nous avons trouvé quelques matraques indiennes de bois de fer. Celles qui ont servi à tuer nos amis. C’est une coutume indienne qui veut que l’instrument, ayant servi à donner la mort, soit déposé près du cadavre, afin que les amis du mort se souviennent que s’ils désirent encore la guerre, d’autres matraques de bois de fer seront à leur disposition…

Les arêtes de cette matraque sont vives. Je les caresse d’un doigt timide. Instinctivement, je frotte mon crâne. Allons, il faut dormir.

Un grand feu brille, des sentinelles sont postées aux environs du camp. Impossible de dormir, évidemment. On n’y pense même pas. A peine cherche-t-on à reposer le corps des fatigues de notre randonnée. L’esprit, lui, trotte encore.