Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toute proche maintenant la fameuse chaine du Roncador se dresse comme une barrière.

Nous sommes au cœur du territoire interdit, au lieu du campement établi par Pimentel Barbosa.

Cet homme avait une devise : morer si necessario for matar… nunca.

« Mourir s’il le faut. Tuer jamais. »

C’était un apôtre de la colonisation. Il a dû mourir sans se défendre. Voulant espérer jusqu’au dernier instant.

Il est mort sans lutter, afin que les expéditions suivantes n’aient pas à faire face à des tribus désireuses de venger la mort de quelques-uns des leurs. De toute manière, l’issue de la lutte qu’il aurait pu livrer était sans espoir. Pour lui comme pour ses compagnons.

Mourir en luttant est un jeu. Se faire tuer est un apostolat. Pimentel Barbosa était un homme. Quel cran !

Nous installons notre camp d’hommes vivants à deux cents mètres de la clairière tragique baptisée « local del sacrificio ». Des ombrages pleins de moustiques et de poésie sous lesquels coule un rio pas très large, assez profond, étirant des eaux troubles que quelques troncs couchés divisent en bassins reliés les uns aux autres par de minuscules cascades.

Les chevaux paissent en liberté. Nous graissons nos armes, installons les hamacs très rapprochés les uns des autres. Une certaine nervosité règne. Personne n’a faim. Bientôt, d’ailleurs, il faudra pourvoir à notre approvisionnement, car les vivres se font rares. Nous avons dû en jeter une bonne partie qui était pourrissante.