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arbustes qui hétissent de ci, de là, la platitude chauffée à blanc du désert du Roncador.

Quelques hommes partis à pied en éclaireurs allument de grands feux, pour signaler aux Indiens notre présence dans leur territoire et leur montrer que, ne nous cachant pas, nous venons en amis. Le temps se couvre, la température soudain fraichit. Il pleut. Après avoir couvert le matériel de nos ponchos, nous nous étendons nus sur la rocaille, les bras en croix, pour mieux délasser le corps fatigué par la rude chevauchée et mieux s’offrir, les yeux clos, à la pluie bienfaisante et drue.

Pas un bruit. Peu de moustiques. Deux hommes partis à la chasse reviennent bredouilles et nous devons nous contenter, pour ne pas changer, de l’exécrable menu composé de farine et de viande boucanée.

Nous repartons pour arriver le soir à un marécage bruissant de milliers de bambous épineux. A l’heure brève du crépuscule, le ciel se découvre. et les cocotiers découpent leur élancement chevelu sur l’arrière-plan féerique de l’incendie du soleil couchant qui ensanglante le marécage dans lequel les chevaux plongés jusqu’au poitrail paissent les jeunes pousses.

Parfois, un oiseau égaré passe comme une flèche avec un cri strident. Très rouge dans la demi-obscurité, presque violacé, cependant étonnamment clair, notre feu de bivouac attisé par Pablo réchauffe les corps engourdis par la fraîcheur soudaine.

Puis c’est la nuit. D’un seul coup, le soleil plonge et laisse traîner sur le « serrado » une obscurité totale. Alors,