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Bébé indien est mort. Son petit corps roulé dans un linceul de fibre a embarqué sur la pirogue qui le conduira jusqu’au cimetière à des « leguas » et des « leguas »[1] de distance. Les hommes creuseront un trou de deux à trois mètres de profondeur pour que Bébé indien puisse se mouvoir à son aise, et ils déposeront, auprès de la tombe, des mélancias, des noix, des racines de manioc, pour que Bébé indien puisse se nourrir à sa guise.

Dans un an, sa tombe sera ouverte et ses ossements reposeront alors dans une urne de terre cuite parmi les autres urnes du cimetière karaja. Rien ne rappellera plus sa mémoire, parce que les femmes qui le pleurent maintenant dans tout le village ne le pleureront plus et nous, nous serons loin, oubliant Bébé Karaja, Dieu seul sait où…, car notre route est longue encore, des centaines et des centaines de kilomètres avant de rejoindre des postes civilisés, et en partant, mon cœur se serre.

— Arakre karaja auri arakre.

— Arakre, arakre…[2]

Je les vois encore sur la falaise, silencieux, sans gestes, nous regardant partir…

Sur une jangada qu’ils viennent de construire avec des « pau de balsa », de petits Indiens s’amusent à affronter les remous du rio et harponnent avec adresse de gros poissons. Lorsque nous les croisons, ils bandent leurs arcs minuscules pour jouer à la guerre et ils poussent leur cri de défi, envoyant à notre adresse une volée de fléchettes.

— Arakre karajas…

  1. Mesure équivalant à 5 km. 600.
  2. Au revoir… au revoir…