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Je me demande à quels mobiles obéit Malhoa. Peut-être attache-t-il à cette pierre une importance superstitieuse, peut-être le sorcier consulté a-t-il déclaré les augures contraires à nos projets ?

La pierre écrite demeure un mystère et Malhoa, un peu gêné, à notre arrivée au village, nous invite à une cérémonie d’initiation.

Devant la case du sorcier, un gamin d’une dizaine d’années est assis sur le banc des sacrifices. Celui-ci, de forme ovale, les extrémités renflées comme la poupe d’une pirogue, est monté sur un socle rectangulaire peint en rouge. Des Indiens assistent aux préparatifs de l’opération, sans manifester la moindre émotion, pas plus d’ailleurs que le patient qui semble drogué, avec ses yeux vagues et brillants.

Après quelques incantations et divers salamalecs dont la signification véritable m’échappe, le sorcier se penche vers l’enfant, armé d’une longue aiguille en os.

Il saisit sa lèvre inférieure et d’un mouvement sec, la retourne comme la calotte d’un cobra, découvrant le rose tendre des gencives, puis, très lentement, il traverse de part en part, la lèvre qui devient livide, avec une longue écharde d’os.

Un peu de sang perle ; le jeune garçon n’a pas bronché. A peine ses yeux brillants se sont-ils voilés. Après avoir calfaté la blessure d’un liquide noirâtre et bitumeux, le sorcier enfile dans l’orifice une longue palme de bois de saran, taillé en forme de rame (oloroidé), quelques nouvelles passes magiques, des incantations, et le jeune garçon renvoyé se dirige vers la rivière pour se purifier et