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L’âge marque la femme indienne avec âpreté, la transformant en une harpie tyrannique consciente de son délabrement physique. Elle se tasse, se momifie, les seins sont flasques, les attaches noueuses, les muscles saillants se tendent et font trembloter la peau parcheminée, les cuisses décharnées se couvrent d’ulcères. Le spectacle des ruines de ce qui fut un beau corps est désolant…

La femme devient alors arrogante, elle fume, elle crache plus que jamais, acquérant une autorité incontestable auprès de son mari et des jeunes épouses de celui-ci. Elle passe ses journées accroupie auprès du foyer, le regard vide, croquant des noix, râpant du manioc ou préparant des pagnes pour ses filles, pleurant d’un ton monocorde ses morts ou ceux des autres, parlant toute seule des souvenirs de sa brève jeunesse…

On la croit centenaire, elle n’a pas quarante ans…

Elle est à l’image de cette Indienne qui file dans un coin obscur de la case de Malhoa et qui ne nous a même pas remarqués. Ses lèvres psalmodient une litanie des morts qui s’égrène interminablement. Aucune larme ne coule de ses yeux secs aux bords rougis par une conjonctivite persistante, causée sans doute par les longues expositions à la réverbération atroce des eaux de la rivière. Sa poitrine maigre se soulève avec des sanglots convulsifs et sa tête aux cheveux gris et filasses dodeline doucement.

Elle est maigre. Très maigre, près d’elle un chien somnole, le museau entre ses pattes.

La vieille file inlassablement, sans voir. D’une main, elle fait tourner une longue toupie formée par une tige de bois enfilée dans une plaque en os et de l’autre, elle évide