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de formuler la moindre plainte et à plus forte raison de corriger leur époux.

Lorsque l’homme prend une nouvelle femme, « le cercle de famille applaudit à grands cris », mais sans drames ni pleurs ni plaintes.

La première femme traite la seconde en amie, sans prendre ombrage de sa présence continue et de son ingérence dans les affaires de la maison. De toute manière, à elle et à elle seule, au titre de première épouse, revient le droit de prendre les décisions finales. Une sorte d’emploi du temps bien compris partage équitablement les nuits de notre Indien. La délaissée, après quelques plaisanteries innocentes, s’endort paisiblement, tournant le dos au couple qui, à quelques mètres de sa couche, s’épanche bruyamment. Il n’entre aucun favoritisme en jeu. C’est un jour oui, un jour non, à l’exception évidemment des jour où l’une des femmes est indisposée.

Lorsque la femme engrossée approche de la délivrance, c’est son mari qui se plaint et gémit sur le seuil de sa case, entouré et félicité de ses nombreux amis qui, pour apaiser sa peine, lui apportent de menus cadeaux et lui prodiguent des encouragements. Pendant ce temps la femme, debout, accrochée à deux mains au pilier central de la case, les jambes écartées, assistée d’une vieille femme, serre les dents et force pour hâter la délivrance.

Ainsi, après avoir simulé les douleurs intolérables de l’enfantement, l’homme, épuisé, aphone, geignard, se laisse coucher, puis dorlotter dans son hamac, cependant que le nouveau-né vagit dans une calebasse pleine de coton brut et que la jeune accouchée vaque activement aux travaux