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Je regrette vivement de ne pas avoir de perruque ou de râtelier à leur présenter. Imaginez leur surprise. J’aurais certainement sans plus tarder détrôné le sorcier du village.

Ce dernier d’ailleurs ne tarde pas à faire une brève mais spectaculaire apparition. Il crée le vide autour de lui de ses bras ouverts, accepte quelques cadeaux, puis une portion de tabac en corde qu’il se met en devoir de mastiquer aussitôt, crache, sort… très digne, le sorcier ! Un collier de dents de crocodiles autour du cou, des bracelets de baies sauvages cliquetant aux chevilles et aux bras, avec, en guise de pagne, une peau mitée et crasseuse de jaguar.

— Auri… coti manakré…

Le dialecte des Indiens Karajas est guttural, simpliste, quoique différent de celui des femmes de la tribu, et même de celui des enfants. Meirelles m’assure que leur dialecte est dérivé du « tupi-guarani », qui fut la langue originelle de toutes les tribus indiennes du Matto Grosso en particulier et de l’Amérique du Sud en général. Très vite, je bredouille quelques paroles de bienvenue à la grande joie des Indiens qui me font répéter dix fois au moins avec ravissement le mot correspondant à l’objet qu’ils me désignent.

— Tatarian, manakré rarerim auri tori coti… Docile, je répète ma leçon. Ces grands diables bruns semblent des enfants rieurs et curieux. Mais entre deux phrases qu’ils me font ânonner avec application, je dois avoir l’œil à tout, car les professeurs sont prompts à la rapine. Un mouchoir, un crayon, un morceau de papier, tout les séduit.