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Indiens libres. Mes premiers Indiens, et je puis vous assurer que c’est très émouvant, surtout après les longues semaines de lutte dans la jungle qui furent cependant l’indispensable préparation à cette minute où, nos embarcations se touchant presque, les Indiens et nous, nous regardons…, avec un peu de méfiance d’abord, puis avec sympathie.

— Tatarian…, auri auri…[1]

Et je participe intimement à l’émotion de cette rencontre sur la rivière, à la lueur des torches de résine grésillante fichées à la poupe des pirogues qui nous guident dans un « arroyo » étroit au torrent tumultueux.

Les mouvements des rameurs indiens sont harmonieux et mettent en valeur le jeu des muscles cerclés de chanvre rouge. Les corps, nus et robustes, enduits de graisse et couverts de tatouages étranges luisent. Des gerbes d’écume éclaboussent l’avant des esquifs qui bondissent par-dessus les brisants.

Je regarde avidement ces êtres fantastiques qui, SOUdain, donnent un sens à la jungle. Je hume l’odeur forte qu’ils dégagent et je me surprends à l’aimer. J’écoute leur parler rauque et bref, épiant leurs visages imberbes dont l’ovale parfait est souligné par la chute d’une chevelure très noire et très longue, que le vent de la course échevèle.

Visages obstinément impassibles. Presque rébarbatifs, masques cuivrés animés par l’éclair d’un regard qui filtre entre les paupières bridées démesurément agrandies par les tatouages. Les pommettes sont saillantes, avec la

  1. Bonjour, bonjour.