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la plage, traversant les trous d’eau à la nage, sa tête émergeant seule, à force d’ondulations très souples. C’est un serpent d’eau qui s’apprivoise très facilement. Il est même utilisé dans certaines fazendas pour chasser les gros rats qui pullulent et détruisent les récoltes.
17 Novembre… Les rameurs sont fatigués. Nous avons l’impression de faire du « sur place ». Les courants contraires sont très violents. Il ne nous reste plus qu’un peu de farine. Plus de café, ni de sucre ni de sel. Sandro a tué un canard qui, plumé, ne nous laisse guère d’espoir. Il est d’une maigreur effarante.
18 Novembre… Pablo a tué à la hache un crocodile. Tué est encore une manière de parler, car le cou décapité se tend, comme pour se souder à la tête que nous venons de jeter aux piranhas. Le cuir est très épais, mouvant comme une croûte.Pour faire cesser les convulsions de l’agonie du jacaré, Manoel introduit une longue tige de fer dans la moelle épinière : c’est radical. Les pattes cessent enfin de fouailler le sable, la queue de se démener à tort et à travers au risque de nous briser les jambes.
Belle queue, ma foi… Pas très appétissante, mais nous avons faim et, après l’avoir tranchée, Pablo la fait rôtir dans la braise. Deux heures plus tard, le cuir qui la recouvre est calciné. Il se sépare de la chair comme une épluchure d’orange et nous