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Un prospecteur m’avait dit un jour que les pattes de crocodiles séchées et pendues à l’entrée d’une maison portent bonheur.

Je ne suis guère superstitieux, mais l’occasion me semble unique pour éprouver l’efficacité du talisman. Je sors mon poignard et attiré par l’impeccable blancheur du ventre, de toutes mes forces, je donne un grand coup…, la lame n’entame pas le cuir…

Furieux, je recommence : ça parait si tendre. Cette fois, le coup porté avec vigueur, me fait lâcher la garde trop étroite du poignard, la main crispée glisse sur la lame, s’entaille profondément et pisse le sang. Fou de rage, je saisis la machete, décidé à couper en deux morceaux ce crocodile impudent. Je frappe à tort et à travers, la queue bat l’air en aveugle, me gifle et le saurien soudainement regaillardi, file à toute allure vers la rivière, plonge et disparaît sous nos regards stupéfaits. Mais bien vite les piranhas se chargent de me venger. Un bouillonnement agite les eaux, là où le crocodile a disparu, un ventre blanc se retourne dans un jaillissement d’écume, une patte hideuse et palmée se dresse, seule, émerge, dérive un instant, puis avec un glouglou, sombre, enfin, définitivement vaincue.

La main me fait souffrir et je suis très vexé. Meirelles s’occupe à désinfecter la plaie. Ce n’est pas bien grave, mais ça brûle et c’est très gênant. Sale bête…, et je n’ai même pas eu ma patte à accrocher au-dessus de la porte de mon bungalow (celui de mes rêves) en guise de trophée, sinon de talisman.

Il n’y a, je crois, que les tarzans hollywoodiens, évo-