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tentent d’abuser de l’Indienne. Si l’homme intervient, ils le tuent… Cette histoire est commune et croyez bien que, s’ils n’étaient pas en train de crever de faim, ils ne seraient pas venus nous rendre visite.

Au moment de réembarquer, nous apercevons une épave grisâtre qui détale sur la plage parsemée de trous d’eau. C’est un jacaré qui essaie de regagner la rivière, mais sous le feu d’une véritable fusillade, il disparait dans un ruisselet peu profond qui se perd entre le sable avant d’arriver à la rivière et on ne voit plus que sa queue dentelée et la crête de son épine dorsale émergeant de la vase. Manoel se précipite, le sabre à la main, pour l’achever, mais un magistral coup de queue le fauche et l’aplatit dans la boue, sans grand mal heureusement.

Deux balles de 44 dans les yeux paraissent ramener le crocodile à une sage réserve. Il est très jeune, trois mètres à peine, mais ses mouvements sournois dénotent une vitalité peu commune. Nous tirons à nouveau jusqu’à épuiser les chargeurs et Sandro, remorquant le jacaré par la queue, le ramène sur le sable.

Meirelles l’examine…

— Ce sont les plus dangereux, dit-il, ils sont très agiles et sautent dans les pirogues où ils font pas mal de victimes… Tenez, regardez ses pattes qui se crispent… il n’est pas encore mort.

Nouvelle décharge. La gueule s’ouvre et broie le vide, les yeux crevés laissent échapper deux minces filets de sang qui coulent sur une peau marron, flasque, qui cède sous la main, comme si elle nageait sur une épaisseur de graisse.