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déchire sous la mine de mon crayon encré sur lequel je n’ai pas besoin de saliver (il écrit vraiment à l’encre). Je peste un peu contre les moustiques, j’en écrase un sur cette page, ça fait un beau pâté de sang. Puis la fatigue me terrasse, je remise le carnet dans la poche de la chemise. et je me laisse aller à un sommeil réparateur.

Il doit être onze heures lorsque je sors de l’engourdissement de ce bref repos. Duke, assis contre la lisse, graisse les armes : par miracle, la fièvre est tombée, les sulfamides semblent être l’universel remède que cherchaient les alchimistes du temps jadis.

Sur une petite plage qui découvre un large morceau de rivière, j’aperçois une croix de bois gisant sur le sable. Sandro m’explique qu’il y avait autrefois une tombe ; mais que naturellement le vent a tout aplani, et que cette tombe recèle deux squelettes unis étroitement.

— Voilà l’histoire, dit-il, telle que je l’ai entendu raconter au village par les hommes qui ont creusé la tombe. Il y a quelques mois, un de leurs amis, chasseur et trafiquant de peaux malgré la défense — toute théorique — du gouvernement de pénétrer dans le territoire « Chavante » embarqua sur son « uba » pour descendre le Rio das Mortes. Puis il disparut. Ses amis décidèrent d’aller aussi tenter leur chance en territoire interdit et suivirent la trace de criques en criques jusqu’au jour où ils aperçurent sur cette plage un bien étrange spectacle : Un squelette d’homme, un autre de saurien étroitement unis comme je vous le disais tout à l’heure, parfaitement dépouillés par les fourmis rouges et dont la position racontait mieux que toute autre chose le drame.