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les rafales qui cinglent. Les perches plient, elles cassent, mais, malgré toute notre force, nous ne réussissons pas à tirer la barque de son lit de vase qui la happe et la retient solidement.

Sous la poussée d’une vague plus forte, elle menace même de se retourner, nous faisons poids de l’autre côté pour rétablir l’équilibre.

Enfin le jour pointe, dégagé de l’orage. Le vent tombe, la pluie cesse, le ciel lavé resplendit aux premiers rayons d’un soleil cerné de nuages diversement colorés, que mirent les eaux plaquées d’émeraudes irisées de vapeurs qui stagnent en traînées diaphanes.

Les cimes de la forêt se teintent de lueurs mauves et outremer en un pastel vibrant de mille touches harmonieusement disposées qui sont autant de reflets que l’œil a peine à saisir, tant ils sont fugitifs. Après de nouveaux efforts, la barque flotte enfin et reprend le fil du courant qui s’étire paresseusement.

Manoel taille de nouvelles perches dans les branches vertes, car nous les avons toutes brisées. Sandro, remis de son bain forcé, aidé par l’indien Pereci, répare la toiture qui est très endommagée, Meirelles somnole, Pablo, son doigt entortillé dans un bandage énorme, savoure le repos que lui vaut sa blessure, Duke, enfin apaisé, semble dormir, sa cuisse est noirâtre, mais pas tellement enflée, la plaie ne suppure pas.

J’écris ces notes assis à l’avant, offert à la brise matinale. Je vois les rames qui font des bulles dans l’eau verte. Le papier de mon carnet gluant d’humidité se