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remontèrent le courant. Il y avait l’homme, la femme et leur bébé âgé de seize mois.

Un matin, la pirogue heurta une racine. Elle coula aussi tôt. La femme avec l’enfant pendu à son cou réussirent à s’accrocher à cette racine et à s’installer à califourchon sur la partie non immergée qui formait une sorte de fourche à quelques mètres de la berge. L’homme, entraîné par le poids de ses bottes qu’il ne voulait jamais quitter, fut emporté par le courant et disparut.

Des jours passèrent. La femme et son enfant étaient toujours accrochés à leur tronc d’arbre, à quelques mètres de la berge. La nuit, ils avaient froid, le jour ils crevaient de chaleur, les moustiques les dévoraient et la faim leur donnait un état de faiblesse extrême.

Un matin, la femme assoupie laissa glisser le bébé qui dormait dans ses bras. Avec un cri déchirant, elle voulut se précipiter aussi dans la rivière, mais quand elle vit l’enfant dévoré sous ses yeux par les piranhas, elle devint folle, s’accrocha désespérément à son arbre et se mit à hurler sa peine.

Quelque temps après, des garimpeiros qui allaient vers le Nord la trouvèrent sur la fourche qui sortait de l’eau. Maigre à faire peur, prostrée dans une douce démence… le soir même avant qu’ils installent le bivouac, la femme mourait.

Il est un peu plus de quatre heures, lorsque nous faisons halte sur une plage. La barque s’enlise jusqu’à la proue, les hommes partent chercher du bois mort pour allumer du feu et préparer le souper. Pablo, complètement anéanti, est resté dans la barque, sous l’abri de