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d’aucun parfum ; des « pattos »[1] volettent éperdument par milliers et scrutent les eaux glauques.

Sur des îles à peine boisées, formées par le limon du courant qui les modèle à sa fantaisie, pour les détruire ensuite en artiste impuissant, jamais satisfait de ses créations, des « jaburus »[2] vont, à pas précautionneux et hautains, leur tête noire rentrée druis la voussure des pattes frêles.

Rien ne distrait leur sempiternelle promenade. A peine consentent-ils à simuler un envol lorsque les plombs de la carabine de Pablo font sauter à côté d’eux de petits jets de sable. Des milliers de moustiques dansent sur la rivière et s’abattent sur notre barque comme des naufragés sur une bouée.

Il fait chaud. Très chaud. Les eaux lourdes prennent par endroits une teinte de plomb en fusion, leur tiédeur n’arrive pas à calmer la soif. A chaque instant, je plonge mon quart de fer blanc dans l’écume de l’étrave pour boire à longues gorgées un liquide fade et trouble.

Notre barque mal calfatée fait eau par maintes fissures et les caboclos écopent avec une écorce, le torse nu, la peau noire, graisseuse et puante. Le pilote surveille les fonrrés, à l’affût de quelque comestible sur pattes et néglige de vérifier le tirant d’eau, parfois très faible, qui menace de nous laisser enliser sur des bancs de sable ou de nous éventrer sur les racines agressives de forêts immergées.

Meirelles tire sur un petit ours bien dodu au pelage

  1. Canards sauvages, gros comme des pigeons.
  2. Sorte de flamand brésilien.