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animent plus. Clairon, docile à ma voix, se laisse guider ; penché sur son encolure, je l’encourage doucement. Les caboclos ont sorti les sabres d’abatis de leur gaine de cuir. Ils ouvrent une piste dans la forêt à grands coups méthodiques et avancent mètre par mètre. Il pleut toujours.

En un instant, nous sommes prisonniers de la végétation qui nous cerne de toutes parts, ruisselante de lianes moussues, avec d’immenses floraisons de palmiers nains et de bambous énormes et épineux.

Pas une éclaircie. Tout est sombre et silencieux. Il est presque midi et c’est encore l’obscurité. L’humus sert de couvercle à des « arroyos » croupissants, des racines monstrueuses se tordent, figées au-dessus du sol comme dans des convulsions.

Les chevaux s’effondrent dans des trous de vase et renâclent pour continuer de l’avant, les hommes hurlent pour se donner du courage, injurient les montures, se dressent sur leurs étriers et à grands coups de sabre décapitent les branches.

Ceux qui vont à pied coupent à la base des bambous de vingt centimètres de diamètre, avec des épines noires et acérées. Il fait une chaleur atroce, la sueur ruisselle, des insectes tombent de la voûte en même temps que de lourds paquets de lianes qui chutent sur nos épaules, manquent de nous assommer et nous enveloppent d’un filet élastique.

Partout de l’eau, des vapeurs semblent sortir du vert sombre et fuser au-dessus des frondaisons happées par d’invisibles courants d’air. Il n’y a pas de vie possible