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comme de jeunes chiens et chevauchons sans flamme sur la piste transformée en patinoire. Je suis harassé, sale, barbu, mal à l’aise.

Nous essayons de forcer la marche sur un terrain détrempé. Par endroits, les chevaux traversent de véritables lacs, il faut se hisser sur les selles et maintenir le paquetage. La farine est humide, la viande verdit : chose plus grave, mon appareil photographique, tombé dans la boue, est à peu près inutilisable.

La faim se fait sentir avec une insistance déplacée. Je mange un peu de farine, mais la digestion me cause des douleurs d’estomac intolérables.

D’énormes poissons se prélassent dans une rivière dont les eaux limpides laissent apercevoir le fond sableux couvert par plaques d’une végétation chevelue. Le courant quoique invisible est violent, nos montures traversent la rivière avec difficulté, elles hésitent, perdent le gué, ruent pour se dégager de l’étreinte des herbes, s’enfoncent dans les trous, s’affolent de l’approche de crocodiles toujours à l’affût de viande fraiche. Pablo tire sur un museau qui s’approche outrageusement de sa monture. Le saurien se retourne, découvre un ventre vernissé de blanc, fouette l’eau de sa queue et disparait.

Hennissant et tremblant, les chevaux prennent enfin pied sur l’autre berge et escaladent une pente abrupte, manquant de nous désarçonner. Le matériel est dans un état pitoyable.

Puis, c’est la forêt, abrupte, hostile.

Les chevaux trébuchent et s’agenouillent les uns après les autres dans le bourbier ; éperons et cravaches ne les