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(panthère mouchetée). Assez grand, les épaules chargées d’une lourde hotte dans laquelle (parmi un bric-à-brac de flèches et de poteries) se prélasse un bébé de quelques mois, le Javahé est nu, à l’exception d’un pagne d’écorce qui lui ceint une partie des reins. Il parle un dialecte guttural, auquel Sandro répond avec aisance. Au matin, il nous quitte d’un pas souple malgré la charge qui aurait ployé un fort des halles, son arc et ses flèches dans la main droite et vissée à ses lèvres, une pipe, cadeau de Sandro, bourrée d’un tabac âcre dont l’odeur persiste alors que l’homme a déjà disparu dans la pampa, derrière les bouquets d’arbres épineux.

Nous sellons nos chevaux et faisons nos adieux au solitaire qui tend sur un treillage de bambous, pour l’exposer au soleil, la peau encore fraiche de la panthère dont l’odeur fait renâcler les chevaux.

Très lentement, au-dessus de l’horizon, s’élève la masse sombre de la forêt, nous chevauchons toute la journée, le ciel se couvre d’énormes nuages chargés d’électricité. Des éclairs strient la nuit qui tombe soudain. Nous montons le camp à l’aveuglette. Le vent souffle avec furie. Impossible de tendre les hamacs ou d’allumer un feu. Après avoir rongé un peu de viande crue et avalé un peu de farine, nous couchons sur les selles accolées à des arbres, emmitouflés dans les ponchos, serrés les uns sur les autres. Sous les rafales glaciales du vent, les chevaux entravés, énervés par l’orage hennissent. Puis, il pleut a gros paquets. L’eau tombe toute la nuit comme d’une déchirure, meurtrissant le corps partout où elle frappe.

Nouvelle aube, nouveau départ. Nous partons trempés