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— La vie n’est pas de roses ici, étranger, dit-il en s’adressant à moi. Vous écrivez, moi, si je savais écrire, j’aurais beaucoup de choses à raconter. J’aime cette terre pourtant. On y crève facilement et sans remède… c’est un moyen de sélection comme un autre, seuls les forts ont le droit de vivre… ma femme (car j’étais marié) est morte dans cette cabane, il y a bien longtemps, j’étais presque un gamin, j’avais votre âge, dix-neuf ans… mettant au monde mon fils, un jour que j’étais parti à la chasse. Les femmes accouchent toutes seules chez nous… je ne sais pas ce qui s’est passé. A mon retour à la maison, je les ai trouvés tous les deux encore unis par le cordon.Ils étaient morts…

— Tiens, Meirelles, au fait… tu sais que la Maria est morte ?

— Quand ?

— Oh, il y a quelques mois. Je suis passé à leur ferme pour voir les peaux qu’ils vendent et leur acheter un peu de sel parce que je n’en avais plus. Le Pedro m’a raconté qu’elle était allée chercher du miel dans la forêt avec sa nièce et qu’elle a voulu monter sur une grosse branche pour cueillir une belle ruche… la branche a cassé, elle est tombée ; la nièce est venue avertir les hommes à la « fazenda » ; lorsqu’ils sont arrivés, elle agonisait.

— Pas de chance, la Maria…

— Ni le Pedro. Le voilà seul maintenant.

Tard dans la nuit, un Indien Javahé en marche pour les campements d’été de sa tribu, s’arrête à la case pour demander du tabac. Sandro lui en donne un demi-mètre et reçoit en échange un superbe cuir « d’onca pintada »