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minutes que nos meilleurs chevaux en dix heures, le corps enfle comme une outre et se décompoee de suite. Alors on creuse un trou en hâte au bord de la piste, on vous y dépose pieds nus, avec sur la tête un mouchoir, un léger tumulus de pierres plates, des branches tressées en croix… les fauves rôderont vite, griffant la terre et les pierres jusqu’à déterrer votre cadavre et s’en repaitre, laissant les os épars, nettoyés aussitôt par les fourmis rouges…

— Brrr… c’est gai… me voilà averti.

— Croyez-vous que le blessé s’en tirera…

— Dans de pareilles conditions une blessure au ventre ne pardonne pas, me répond Meirelles.

Les chevaux sont arrivés, le camp rapidement installé prend une allure de kermesse, le soleil n’est plus, les flammes du foyer donnent aux êtres et aux choses un relief inquiétant.

Nous dévorons en silence quelques tranches de viande sèche passées au feu, les mâchoires forcent pour assouplir et ruminer la viande racornie. Du riz cuit dans une grande bouilloire. Nous puisons avec les mains dans le récipient et malaxons des boulettes pour accompagner la viande. Les appétits calmés, après le café, le camp s’en dort. Des loups hurlent, parfois un perroquet s’affole et bute dans les fourrés. De la clairière voisine, les chevaux, les pattes entravées, hennissent aux étoiles…

Je me réveille soudain en sursaut…

— Vamos rapaz esta na hora…[1]

Pablo vient d’entrouvrir ma moustiquaire. L’aube pointe déjà, la brousse est silencieuse mais les eaux re-

  1. Allons, garçon, c’est l’heure.