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séabonde. L’empreinte de nos bottes efface celle des reptiles et des oiseaux. Un squelette de crocodile achève de jaunir. Nous profitons de cette courte halte, pendant laquelle les « caboclos » vont chercher les chevaux, qui nous suivent par voie de terre, pour préparer les paquetages et vider les pirogues.

Soudain, un coup de feu éclate et un noir tombe, les mains sur son ventre. Il a perdu connaissance et lâche le fusil qu’il venait d’armer et qui a buté malencontreusement sur une souche, occasionnant la décharge de l’arme. La plaie est un trou noir et fétide grand comme une pièce de cent sous. Il n’y a rien à faire. Après un bandage sommaire, plutôt par acquit de conscience et parce que l’Indien Karaja, qui nous a guidés jusqu’ici, va retourner à Leopoldina, nous embarquons le blessé dans une pirogue et il s’en va au fil de l’eau, geignant faiblement.

Nous ne sommes plus que onze, et augurons assez mal de l’avenir. La consternation règne sur tous les visages.

Soucieux, Meirelles s’approche.

— A propos, me dit-il, ce n’est pas le moment de piquer une crise d’appendicite ou autre chose semblable. Tout ce que l’on pourra faire pour vous, c’est vous aider à vous résigner ou abréger vos souffrances d’une balle de colt. Nous ne pouvons compter que sur les moyens du bord qui, vous le savez, sont assez réduits. Pas de médecins à moins de mille kilomètres d’ici, c’est-à-dire deux semaines de cheval. Il est impossible de détacher des hommes pour accompagner un blessé éventuel : ce serait un jeu d’enfant pour les Indiens de les massacrer. Les plaies gangrènent vite, la pourriture fait plus de chemin en dix