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est là, qui pousse des hourras et tire des coups de feu pour saluer notre départ.

— Atè luego amigos…

— Atè a volta se deuo quiser…

— Adios…

Adieu Leopoldina. Le courant est dur, le soleil étincelle sur la rivière, nos pirogues sont chargées à ras-bord et le moindre mouvement menace de nous précipiter dans les flots.

Par endroits, des zones pluvieuses stagnent sur le fleuve et lorsque nous les traversons, une avalanche de gouttes énormes trempe notre pirogue et nous fait grelotter. L’embarcation qui nous précède a disparu dans la brume. Le matériel est recouvert d’épais ponchos de laine brute. On distingue très mal à cinq mètres ; l’eau est noire, les racines tourmentées des arbres qui forment sur la berge an mur infranchissable, apparaissent très vaguement et créent de dangereux remous.

Des épaves dérivent entre deux eaux et heurtent la coque comme des boutoirs, nous précipitant les uns sur les autres. Les brumes franchies, un soleil éclatant rôtit nos épidermes et rend insupportable la réverbération. Des envolées de gros oiseaux blancs nous dépassent. Le spectacle familier des berges du Rio Araguaya n’émeut plus personne avec l’inévitable défilé de ses murailles croulantes de lianes épineuses, ses arbres géants pleins d’une vie intense et mystérieuse.

Deux heures plus tard, nous abordons une berge glissante comme une planche savonnée qui fait apprécier à chacun de nous la mollesse d’une épaisseur de boue nau-