Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des épidermes allant du café au lait très clair au noir d’ébène, ce n’est plus une expédition, c’est une compagnie de la bandeira espagnole en vadrouille, avec ses races multiples, ses têtes brûlées et ses dialectes différents.

Le dernier engagé vient du Chili, cet autre, taciturne, le visage vérolé, est un déserteur péruvien. Gaudino est le guide assermenté de l’expédition, mais il a la conscience lourde et son visage noir, perpétuellement inquiet lui donne un air de conspirateur. Il y a même un Indien de la tribu des Parecis qui vient de l’Amazonie et n’a pas besoin de boussole pour se diriger dans la forêt…

Noirs, métis, Indiens portent en bandoulière un petit sac de toile avec quelques mètres de corde de tabac, des feuilles de maïs pour rouler des cigarettes, une tranche de viande sèche et quelques poignées de farine avec de la mélasse de canne à sucre (rapadura), une énorme cartouchière leur serre la taille, avec un colt et un coupe-coupe. Un peu moins tape à l’œil, mais certainement aussi efficace, leur arme favorite, un court stylet sans garde mais effilé comme un rasoir qu’ils portent entre la chemise et le pantalon, le manche de cuir émergeant seul.

Meirelles est chaussé de bottes à soufflets, avec un pantalon bouffant style gaucho et une veste-chemise retenue à la taille par la cartouchière qui supporte le poids d’un colt calibre 48.

— Alors, me dit-il en souriant… content ?

— Très content…

Et comme je m’étonne de le voir si calme, il me désigne le cadre de notre embarquement et me dit :

— Ça fait plus de dix ans que je vis avec ça.