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ment du moindre accident de terrain et rarement leur flèche manque le but. Ces Indiens sont certainement les plus féroces du Brésil et je doute qu’un jour on parvienne à les dompter.

— Sûr, approuvent quelques hommes qui, au cours de leur existence aventureuse, ont eu maille à partir avec les Chavantes…

— Moi, renchérit un autre avec force, je me souviens d’avoir assisté au massacre de deux prêtres qui avaient installé leur bivouac sur une petite ile déboisée près du Bananal en compagnie d’un troisième larron qui parvint à s’échapper et appartenait à l’ordre des salésiens… le père Hippolyte Chovelon, une belle canaille d’ailleurs, qui a quitté la robe pour devenir trafiquant et a réalisé bon nombre d’abus de confiance dans la région. Il n’est guère aimé, c’est dommage qu’il ait échappé au massacre. Donc, ce jour-là je revenais de la pêche lorsque j’ai senti l’Indien… ces bougres-là, quand on en a l’habitude, on les sent à dix kilomètres. Je naviguais doucement dans ma pirogue et j’ai vu les Chavantes à deux cents mètres de ma cachette sous des arceaux feuillus, qui attaquaient les missionnaires qui, n’étant pas armés, levaient des crucifix en faisant des signes de paix. Les Indiens sont venus sur eux et les ont tués à coups de borduna. Chevelon s’est sauvé à la nage, les Indiens ont lancé des flèches, mais lui a plongé et ils ne l’ont plus vu et comme ils ont peur de l’eau, ils n’ont pas insisté. Ils ont pillé le camp et laissé leurs « bordunas » auprès du cadavre des deux pères… si par hasard vous passez près du Bananal, vous verrez un petit tumulus de pierre. Ils sont là-dessous.