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ment, sans courage. Ils n’ont même pas levé la tête à notre arrivée.

Nous retournons lentement vers le village, car Roxa a voulu me suivre à pied, trainant sa monture par le licol.

— Vous comprenez, dit-il en manière de réponse à ma muette interrogation, j’ai besoin de fatiguer le corps pour lutter contre mes sens, je veux éviter l’insomnie et chaque jour je fais de longues promenades… après ça je dors comme une brute sans penser à rien.

A notre arrivée au village, une surprise peu commune m’attend, une jeune noire est couchée dans mon hamac et l’histoire ne serait pas tellement désagréable si la femme en question n’était en train d’agoniser. Son crâne n’est plus qu’une plaie, les cheveux adhèrent encore par endroit aux lèvres de coupures profondes et purulentes qui mettent l’os à nu et dégagent une odeur pestilentielle.

C’est Joaquin, un « caboclo » de Xavantina, qui était allé chasser aux environs un troupeau d’antilopes, qui l’a ramassée sur une piste où elle délirait après être tombée, inconsciente, du cheval qui l’amenait au village.

Par recoupement, Roxa arrive à reconstituer l’histoire, aidé par les plaintes de la malheureuse qui se débat contre d’invisibles agresseurs. Elle habitait avec son mari, sa mère et ses enfants une cabane au bord de la rivière. Les Chavantes sont arrivés, ils ont massacré toute la famille et pillé la maison. Laissée pour morte et unique survivante, la jeune femme a réussi à se hisser sur un cheval et à se diriger vers Xavantina. Mais terrassée par la fièvre, elle tomba de cheval et il est probable que si Joaquin ne l’eût découverte, les fauves l’auraient rapidement