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de canards sauvages ou de tortue. Une énorme lampe à huile est suspendue à un câble au-dessus d’un lit de camp surmonté d’une moustiquaire verte. Quelques livres trainent aussi, surtout des ouvrages de géographie et des traités de peinture. Pas un seul roman, à peine un mémento d’histoire du Brésil et des brochures sur Karl Marx.

Avant de partir, nous allons déjeuner dans une case voisine qui sert de réfectoire. Un noir athlétique, dont les muscles superbes feraient le bonheur des rapins de Montparnasse, nous sert un rôti d’antilope avec des patates douces et des racines de manioc cuites à l’eau. Du maïs grillé à l’indienne dans ses feuilles vertes complète ce repas de pur style broussard et nous enfourchons nos montures pour nous rendre au lieu des plantations futures de Xavantina.

Deux heures de petit trot, d’abord la pampa, ensuite la forêt de plus en plus dense, enfin une large éclaircie…

— C’est là, dit Roxa.

J’ai toujours imaginé l’enfer de Dante dans un pareil décor. Je reste immobile sur ma selle et mes yeux courent sans pouvoir se fixer sur des centaines d’hectares incendiés couverts d’une épaisseur incroyable d’humus et de cendres.

Des troncs gigantesques tordus, enchevêtrés, hérissés de racines larvaires étirées et figées comme des doigts immenses griffent de l’eau noire, sinistrement noire, sans reflet et sans vie dans laquelle on coule jusqu’aux hanches, les bottes glissant sur une vase gazeuse et fé-