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quarante, peut-être est-ce à cause de la barbe abondante qui hérisse ses joues creuses ou bien de son teint hâve et cadavérique qui souligne encore davantage la lassitude des traits précocement marqués par ce rude climat.

Les uns après les autres, des hommes qui se ressemblent comme des frères viennent me souhaiter la bienvenue : barbus, débraillés, solidement armés, vêtus de loques innommables et jaunis par la fièvre. Ce sont des fonctionnaires sans état-civil ni référence, puisque ayant oublié volontairement leur passé pour se ranger sous l’étendard des pionniers de la Fondation du Brésil Central.

Leur mission est de défricher et mettre en valeur le Far West brésilien, d’établir des voies de communication et d’entretenir des relations cordiales avec les tribus indiennes qui rôdent dans les parages.

— Braves garçons, me dit Roxa, un peu têtes folles, le revolver facile, mais des hommes sur lesquels on peut compter. Ils se sont pris à leur travail comme d’autres à la hantise du diamant. Parfois le cafard les travaille … alors je leur donne quelques jours de congé ; malheureusement ils reviennent tous avec des maladies vénériennes pas toujours très faciles à soigner dans ce bled. Que voulez-vous… ici, ça manque de femmes. J’ai trente hommes avec moi, la saison des pluies nous coupe de tout contact avec le monde pendant des mois, j’ai beau interdire l’alcool… ce sont des êtres sensibles qui ne rêvent que jupons et bagarres, et les sens sont aiguisés par ce climat du diable… Un jour, une femme est venue à Xavantina, l’épouse du Colonel Vanique, chef de l’expédition Roncador Xingu. Elle était nouvellement mariée et vou-