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« Mais vale un gosto que seis vintems[1]… > dit un proverbe des chercheurs de diamants.

Lui a trouvé, pourquoi pas moi ? L’espoir est la dernière des choses à mourir. Ils baissent la tête et cherchent fiévreusement, car chacun croit être le prochain élu.

Autour du triomphateur de cette journée mémorable qui prend vite place dans la légende, les autres se réunissent et cherchent à grapiller un peu de la fortune qui lui échoit. Ils essaient de lui vendre tout ce qu’ils possèdent, le foulard vert qu’il aimait tant, les bottes à soufflets, la carabine à répétition… on flatte les instincts et les désirs de l’homme qu’affole cette fortune subite.

Tous boivent et s’affalent ivres morts. Il paye. Ce jour là, personne ne travaille au village. L’alcool de cannes à sucre coule à flots.

Les femmes, comme les moustiques un jour de pluie, se précipitent et se donnent à l’emporte-pièce, encouragées par les maris qui oublient leur jalousie et dignement s’absentent.

Seul dans une case, le vainqueur du sort voit lui apparaître, comme dans un songe, de femmes qui l’emmènent dans un paradis qu’il n’osait imaginer. Au matin, lors qu’il se réveille épuisé des excès de la veille, la bouche pâteuse, il fait le compte de l’argent qui lui reste, jette un regard haineux sur le fleuve qui coule, drainant avec lui les rêves de ceux qui n’ont pas eu « a sorte grande »[2] et jurant qu’on ne l’y reprendra plus, selle son cheval et s’apprête à fuir la région maudite.

  1. Mieux vaut l’espoir que six sous.
  2. La grande chance.