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mentées d’arceaux et de branches blafardes qui griffent la nappe lisse du courant.

Des singes criards et minuscules gambadent et pirouettent, des perroquets éternels rouspéteurs jacassent et jettent à la volée leur cri rauque. Le soir, alors que le rio se teinte de mille nuages empourprés, les frondaisons de la forêt vierge prennent du relief, les bruits sont pleins de terreur. Quelques feux dansent et se reflètent sur la courbe blême d’une plage.

— « Garimpeiros »[1], dit tout à coup Sayança.

Deux hamacs, un four de terre noire, des calebasses et au travers du toit de la cahute, le ciel et ses étoiles. Je suis clans la maison d’un chercheur de diamants.

L’homme est très vieux, son visage hâlé, brûlé par le soleil, est crevassé de rides, ses joues sont creuses et lors qu’il rit, on voit le trou noir de sa bouche édentée. Sa barbe courte et frisottante est blanche comme ses cheveux, mais le corps est encore svelte et musclé.

Il ne sait pas très bien quel est son nom : on l’a toujours appelé Canario. Il ne s’inquiète pas outre mesure des formalités de son état-civil et roulé dans son poncho, après avoir bu une large rasade de ma bouteille « d’agardente », il raconte ses histoires qui n’ontt rien de merveilleux ni de poétique, qui n’évoquent en rien les belles légendes que racontent certains voyageurs, car il n’est plus question de paillettes rutilantes sur des fonds sableux ni de diamants énormes, ni de fortunes miraculeuses, mais de beaucoup de travail pénible, de misère, et de souffrance pour gagner

  1. Placers.