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inédit et suggestif, épousant parfaitement les formes d’un corps sculptural, évitant les complications gênantes du rhabillage ; une bonne odeur de chien mouillé est le seul inconvénient notoire de l’opération. Pour la pluie, les pans rabattus sur la tête au détriment de l’ensemble forment capuchon ; aux heures des repas, un petit carré découpé dans le bas, sert de filtre à café. Sayança est, comme on le voit, une femme pratique et agréable, chose qui n’est pas sans émouvoir la paresse chronique de Manoel qui s’accommoderait fort bien d’une épouse de la sorte.

Manoel, comme il se doit, est pieds nus, son chapeau de feutre sert à recueillir l’eau de la toilette et celle des repas, d’ailleurs le chapeau vaut le pagne et les jours de fête au village, les femmes dansent sur ses larges bords ; exercice chorégraphique du plus haut intérêt qui suscita toujours mon admiration.

Quant à la pirogue, elle se révèle d’une instabilité redoutable ; péniblement tassé dans un coin, entre deux sacs et une caisse, je regarde d’un œil mélancolique les berges du Rio, prévoyant le moment où, après avoir fait naufrage, nous devrons les atteindre. Mais la sûreté de pagaie dont fait preuve la belle aux cheveux longs me rassure. Accroupie à l’avant, avec une ardeur silencieuse, Sayança plonge dans l’eau verte, une courte rame jamais défaillante, cependant que Manoel s’épuisant à suivre la cadence, tout en protestant à grand renfort de jurons, scande son effort de râles attendrissants.

Criques brûlées, étroites lagunes à la végétation luxuriante, paysage cent fois répété, jamais renouvelé, chaque coude de rivière apporte ses inévitables perspectives tour-