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sais quel sourire auguste de notre âme que la page la plus éloquente sur la beauté des soirs. Quelques lignes plus haut, il s’écrie en face de la mer « au solennel bassin » : « Oh ! que tout cela est loin de mon village ! » Et un peu plus bas (car j’ai pris une page au hasard et tout ceci se trouve sur le même feuillet), un peu plus bas le calembour lui-même est purifié par je ne sais quel vent du large, lorsqu’il dit gravement à la lune : « Je vous salue, vierge des nuits, plaine de glace », etc. Savez-vous bien qu’il fallait une puissance singulière pour purifier ainsi sans se tromper jamais le rire ordinaire de la vie, et pour le transformer comme il a fait en quelque chose d’aussi clair et d’aussi profond que les larmes ? Et ne fallait-il pas posséder en soi plus d’un monde, pour être à même de rattacher ainsi à la vie générale de pauvres petites phrases qui flottaient égarées à la surface de la vie quotidienne ? Ces petites phrases sans destinée ne représentaient-elles pas, elles aussi, au même titre