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Les autans déchaînés s’élancent pleins de rage ;
Dans le fond des forêts hurle leur grande voix ;
La foudre trois fois tombe et remonte trois fois.
En entendant gronder les vents et la tempête,
À leurs coups je cherchais à dérober ma tête,
Quand, abaissant sur moi des yeux pleins de douceur,
L’esprit qui me guidait, pour rassurer mon cœur :
« Ne crains point, me dit-il, les vents ni le tonnerre ;
» Sur nous le Tout-Puissant veille comme un bon père. »
À ces mots, le soleil luit dans le ciel serein,
Et notre char reprend son rapide chemin.

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Quelle est cette cité qui dans la mer s’avance,
Se mirant dans les eaux ? C’est l’antique Byzance ;
C’est ta fille infidèle, ô pieux Constantin !
Je la vois resplendir des flammes du matin.
Séjour des Osmanlis et reine du Bosphore,
Elle dicte des lois aux peuples de l’aurore.
Son magnifique éclat, son luxe merveilleux,
Du voyageur surpris éblouissent les yeux ;
Ses gigantesques tours, sa muraille profonde
Et ses blancs minarets se balancent dans l’onde.
En ses riants jardins et dans ses frais vergers,
Où la rose fleurit parmi les orangers,
Quand la lune dans l’air se lève radieuse,
Modulant tristement sa note harmonieuse,
Le sensible Bulbul, ami des frais buissons,
Sur le front du palmier prélude à ses chansons.
C’est là que, recherchant la fraîcheur du platane,
Sous l’œil d’un africain, la pensive sultane,
Lorsque du haut des monts descend l’ombre du soir,
Pour respirer l’air pur, en pleurant vient s’asseoir ;
La riche cassolette à ses pieds allumée,
Épanche dans les airs la myrrhe parfumée.
Esclave, elle a perdu son pays sans retour,
Et subit les affronts d’un inconstant amour !
En vain on la distrait au son des mandolines ;
Malheureuse, elle songe à ses vertes collines,