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Sur un double coteau, s’élève à mes regards,
Vers un large horizon, la cité des Césars ;
Du rapide Onio tombe la cascatelle,
Et je vois onduler vers la ville éternelle,
Le Tibre, vieux témoin des immenses travaux
Où je lis la grandeur d’un peuple de héros !
Mais de tant de palais qui trouble le silence ?
Quelle foule en fureur de tous côtés s’élance !…
S’arrachant à la tombe, ô César, tes soldats
Vont-ils renouveler leurs glorieux exploits ?
Vont-ils recommencer la conquête du monde ?
Serait-ce des tribuns la grande voix qui gronde,
Pour exciter la plèbe à briser ses liens
Et répandre le sang des fiers patriciens ?
Non, c’est un peuple ingrat, qui déclare la guerre
À celui qu’il nommait, hier encor, son père.
Les cris de la révolte ont ébranlé les airs !
Un ministre est tombé sous les coups d’un pervers,
Et des bandits armés célèbrent la victoire
Que vient de remporter un sicaire sans gloire.
Tel on voyait jadis le sacrificateur
S’avancer au milieu d’un peuple adulateur,
Après avoir frappé la victime sanglante
Et lu l’arrêt du sort dans sa chair palpitante ;
Ainsi ce meurtrier, après son noir forfait,
Marchant avec fierté, dans Rome triomphait ;
L’émeute devant lui poussait des cris de rage.
Mais si vous étaliez ce facile courage,
Lâches, si vous marchiez d’un pas audacieux,
Devant l’aigle du nord vous avez fui honteux !
Tous ceux qui révéraient naguères sa puissance,
Délaissent le Saint-Père aujourd’hui sans défense ;
À pleurer des ingrats le voilà donc réduit !
Le Rédempteur du monde, en la dernière nuit,
Nuit d’angoisse et d’horreur, qu’il passa sur la terre,
Fut ainsi délaissé par ses amis, par Pierre,
Ce disciple oublieux, qui fut sourd à sa voix,
Et jusqu’au chant du coq le renia trois fois !
Des chrétiens consternés le guide si fidèle,