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N’est tant las d’endurer la laboureuse presse,
Que moy de demeurer entre les courtisans,
Sequestré des plaisirs des pauvres artisans,
Privé du sainct terroir des palmes, palestines, (270)
Escarté de l’amour de noz belles colines,
Ou du champestre parc, je suis las du sejour
Qu’il faut continuer aux portes de la Cour,
Je m’ennuie de veoir une troupe nombreuse,
Flateuse, ambitieuse, ireuse, et paresseuse (275)
S’armer, se desguiser, formiller, discourir,
Apres les grands estats, et les honneurs courir.
» Celuy est œilladé d’une heureuse fortune,
» Qui ne suit de la Cour la brigade importune,
» Qui se peut esloigner de ces lascifs badins, (280)
» De ces grands Scipions, de ces grands Paladins,
» De ces legers Prothés que La Cour amadoüe,
» Et que fortune tient sur sa rolante roue,
» Qui les titres n’entend de ses noms sorcilleux,
» Ni le soudain courroux des seigneurs orgueilleux : (285)
» Ains servant à son Pan, ou à Ceres blediere,
» Voit long temps se changer la Lune croissandiere,
» L’envie qui aux grands s’attacque si souvent,
» Ne le fait tremousser au premier front du vent,
» Il ne va recercher outre les doubles Calpes (290)
» Les precieux joyaux, il ne passe les Alpes,
» Pour augmenter son bien, pour davantage avoir,
» Pour de ses facultez à ses enfans prevoir :
» Il n’est pas tourmenté d’une cure songearde,
» D’un desir espineux, d’une haine rongearde, (295)
» Et par mille dangers, il ne va recercher
» En un autre pays l’Acherontin Nocher,
» Il se rit de ceux-la que la gloire martelle,
» Japant apres l’honneur en leur course pantéle,