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De ceste triste voix,
MARDOCHEE.
O que de privileges
Donne l’impunité à ces mains sacrileges.
Je ne veux courtisan dissimuler ce tort, (240)
Je ne veux receller ce clandestin effort :
Je ne veux me tromper pour la crainte des hommes,
Ni desplaire à celuy par qui creés nous sommes
Non, non je ne veux pas muet, aveugle, et sourd
Pour complaire à la cour, qui le sage rend lourd, (245)
Permettre ensevelir soubz un traistre silence
De ces deux affronteurs l’insidieuse offence.
Je diray à Esther leur vouloir desloyal,
Pour l’honneur d’Assuere et son sceptre royal,
Affin que par le droit de la saincte justice, (250)
Ils soient recompenses d’un merité supplice.
Dieu qui sonde nos cœurs, Dieu qui entend noz vœux
Puisse esteindre plustost mon nom à mes nepveux,
Puisse plustost jetter son ire sur ma teste,
Que je vueille cacher un dessein si funeste. (255)
Je voy ma fille Esther, à elle il faut parler,
Je ne veux plus mes sens d’un tel dueil bourreller,
Celuy qui vous a mis sur la chaire royale
Qui vous faict estimer de Suse en Cassagale,
Comme un Cedre au Liban, augmente vos honneurs (260)
Et vueille destourner vos futures douleurs.
ESTHER.
D’où viennent ces propos ? quelle injure cruelle
Vous fait, mon oncle cher, porter telle nouvelle ?
MARDOCHEE.
Celuy qui tous les jours abaie apres le pain :
Dont l’estomach ne peut rassasier sa fain : (265)
Celuy qui n’a repos, qui travaille sans cesse,