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LES CORDELIERS AVANT VARENNES

tront tront de respecter l’esprit de l’institut… Autrement, elle dégénéreroit en cohue, le temps seroit consumé en bavardages et les affaires n’avanceroient pas[1] »

Marat avait une conception particulière de la société fraternelle. C’était bien, pour lui comme pour les autres patriotes, une société d’instruction politique, mais c’était encore une société de salut public dirigée par un petit comité perpétuel et souverain. Mais Marat, qui avait beaucoup plus de sens pratique qu’on ne se l’imagine d’ordinaire, ne s’entêta pas dans la réalisation d’un projet pour lequel les temps n’étaient pas encore mûrs[2], il poussa, en attendant, de toutes ses forces, à la formation des sociétés fraternelles conçues sur le type de celle de Dansard. « Je réitère mes instances, s’écrie-t-il dans son no du 7 février 1791, aux bons patriotes des sections qui ne sont pas encore formés en clubs, de ne pas différer d’un instant ; c’est le seul moyen qui leur reste dans ces moments de danger de réunir leurs efforts pour sauver la patrie. Mais je ne puis trop leur représenter combien il importe de n’y admettre aucun procureur, aucun commissaire de quartier ou de section… C’est à ces clubs que chaque section de la capitale doit adresser ses arrêtés en même temps qu’elle les envoye aux comités des autres sections, si elle veut les voir promptement adoptés et jouir de la gloire de concourir au bien général ; car ils y seront préalablement discutés ; ainsi les membres des clubs porteront dans leurs assemblées respectives de sections un jugement réfléchi et les meilleurs citoyens ne se laisseront pas étourdir par le bavardage des marchands de paroles, l’Ami du peuple invite tous les écrivains patriotiques à propager ses vues salutaires et son cher disciple l'Orateur du peuple à y revenir de nouveau. »

  1. Ami du peuple du 16 janvier 1791, n° 342.
  2. Les célèbres épurations de l'an II sont jusqu’à un certain point inspirées de la pensée de Marat. — Marat revint encore, mais sans grande illusion, sur sa société des Vengeurs de la loi dans son no du jeudi 2 juin 1791. Il conseillait de créer une caisse de résistance qui permettrait aux Vengeurs de la loi de défendre les victimes de Lafayette et de payer les frais de leurs procès. « Ici je somme, concluait-il, MM. Danton, Sergent, Mittié, Bacon, Parein, Verrières, Dufourni et autres bons patriotes de se mettre à la tête, de donner l’exemple ». Son appel ne fut pas entendu.